Détenteur de l’un des ensembles archéologiques les plus importants de France, le musée Saint-Raymond, mérite bien son appellation de musée des Antiques de Toulouse. Cet établissement est présent sur Joconde depuis le mois de juillet dernier.
Les reliefs des Travaux d’Hercule exposés au musée Saint-Raymond, musée des Antiques de Toulouse © J.-F. Peiré / MSR Toulouse
Cette diffusion est le fruit d’une longue réflexion et d’un travail de fond sur des collections très tôt informatisées. Evelyne Ugaglia, directrice du musée, Claudine Jacquet, régisseur des œuvres et administratrice de la base de données ainsi que Souad Mekrabech, chargée d’informatisation sur contrat temporaire, nous ont accordé un entretien à trois voix. L’occasion pour cette équipe d’expliquer à l’unisson les tenants et les aboutissants de ce partenariat étroit avec le bureau de la diffusion numérique des collections.
BDNC : Pouvez-vous nous retracer l’histoire de l’informatisation des collections archéologiques du musée Saint-Raymond ?
Evelyne Ugaglia : Le musée Saint-Raymond, que j’ai rejoint en 1985, fait partie des premiers musées équipés d’un outil de gestion de collections au début des années 1990. Avec mon collègue Daniel Cazes, conservateur en chef et alors directeur du musée, nous étions alors en pleine restructuration du musée dont les portes ont rouvert en 1999. Nous avons mené un important travail de fond sur les collections, notamment avec la constitution des dossiers d’oeuvres. Cette documentation a été transposée dans l’outil via une saisie informatique minimale et sérielle.
Comme beaucoup de nos collègues, nous étions conscients de l’importance de la base de données, en tant que source d’information sur les collections. Nous aurions souhaité travailler plus en profondeur en créant une charte de saisie ou en menant une vraie réflexion sur les vocabulaires, par exemple. Malgré tout, la base a grandi, notamment grâce à l’informatisation des cahiers d’inventaire.
Début 2000, un besoin de clarification des collections et des numéros d’inventaire nous a amené à devancer l’exigence du récolement décennal, accéléré par le départ à la retraite de mon collègue, et à nous confronter à la nécessaire consolidation des données de notre base.
Au fil des années, cet impératif de cohérence s’est doublé d’une volonté de rendre visibles nos collections. Nous avons été sensibilisées aux sujets de l’informatisation et de la mise en ligne des collections par la direction générale des affaires culturelles et sa conseillère pour les musées, Pascale Samuel, mais également par le bureau de la diffusion numérique des collections dont j’ai moi-même suivi avec intérêt plusieurs formations. Je suis convaincue de l’importance de ces activités mais aussi de la nécessité, pour les traiter au mieux, d’organiser un véritable service documentaire au sein de l’établissement, ce qui n’est pas encore possible de façon pérenne au musée Saint-Raymond.
En effet, malgré l’implication et le suivi régulier de Claudine Jacquet sur l’administration de la base, il lui est difficile d’y consacrer autant de temps qu’à sa mission première, la régie des œuvres. Aussi, quand l’opportunité s’est présentée pour le musée d’un renfort temporaire, en la personne de Souad Mekrabech, ancienne stagiaire recrutée sur un contrat d’aide à l’emploi, nous n’avons pas hésité une seconde à la faire travailler sur la diffusion des collections du musée sur le web, et notamment Joconde.
BDNC : Quelles ont été alors les orientations du musée ?
Evelyne Ugaglia : Notre objectif premier était clair dès le départ et correspondait à un souhait de longue date : valoriser sur Joconde les collections exposées du musée. Si notre établissement bénéficie d’un rayonnement à l’international sur les réseaux sociaux, il nous semblait essentiel de rééquilibrer la visibilité des collections permanentes à travers leur diffusion sur le catalogue collectif national.
Claudine Jacquet : Pour atteindre cet objectif, la venue de Sophie Daënens durant trois jours au musée a été décisive. Après les contacts ponctuels qui avaient précédé, sa présence auprès de nous nous a permis de dégager une vraie ligne de travail. Comme toutes les bases constituées depuis longtemps, la nôtre présente une accumulation de problèmes à rectifier, plus ou moins importants. Durant le récolement, nous nous sommes surtout attachés à éliminer les doublons de numéros d'inventaire et à localiser les objets, mais un « nettoyage » global de la base restait à faire. C’est donc une vision d’ensemble sur la chaîne d’informatisation des collections que Sophie Daënens nous a amené à avoir, grâce à ses conseils méthodologiques (révision des index, constitution des profils de saisie…), à son expertise et sa connaissance des outils.
Il faut souligner qu’à cette occasion s’est mise en marche une dynamique entre musées : nos collègues du muséum d’histoire naturelle de Toulouse nous ont rejoints la deuxième journée et nous avons travaillé ensuite avec l’équipe du musée Paul-Dupuy qui a déjà reversé sur Joconde.
Tout cela nous a été et nous sera encore très profitable. Si nous devons mettre en place une charte de saisie pour harmoniser la base de façon durable, nous savons désormais quelles mesures mettre en œuvre pour assainir les données.
BDNC : Comment s’est opéré le choix des objets à mettre en ligne sur le catalogue national ?
Evelyne Ugaglia : Notre choix s’est naturellement porté vers les collections du premier étage du musée, tout juste rénové, constituées du mobilier antique de la villa de Chiragan à Martres-Tolosane ayant trait aux travaux d’Hercule et aux portraits impériaux. La valorisation du travail sur ces collections très connues a été notre porte d’entrée sur le web. Souad a ensuite pris le relais pour préparer les lots de données à exporter vers Joconde.
BDNC : Où en êtes-vous et comment cela s’est-il passé concrètement ?
Souad Mekrabech : Je prépare actuellement un deuxième versement composé d’objets exposés très divers des époques romaine et paléochrétienne et également de la numismatique, afin de procéder à un export avant mon départ à la fin du mois. Comme la base est très vaste – 27.000 notices, nous avons défini des priorités de versements par types d’objets. Cela nous permet de traiter différents cas de figures et de voir pour chacun comment les notices et les vocabulaires peuvent être améliorés. L’équipe pourra ensuite reproduire ces bonnes pratiques. Ce qui nous demande le plus de travail est l’indexation iconographique, la précision du statut administratif mais aussi toute la partie liée à la photographie (sélection, redéfinition, renommage, et insertion). Un gros travail de dénomination, de hiérarchisation des lieux géographiques, des datations et des domaines a d’ores et déjà été fait, en travaillant de manière transversale sur les index comme nous l’a conseillé Sophie Daënens. La recherche géographique est beaucoup plus efficace.
BDNC : Le site Joconde est-il l’unique support de valorisation de vos collections ?
Claudine Jacquet : Non, le musée Saint-Raymond participe aussi à une mise en ligne grand public, organisée par la Ville de Toulouse pour valoriser les collections municipales Le musée Saint-Raymond diffuse 380 notices sur ce site, sur un total de 2000 œuvres réparties entre les 6 musées de la Ville. [Il s’agit du site Toulouse 2000 ans – 2000 images ouvert au début de ce mois - Note du BDNC]. Une trentaine d’entre elles sont communes aux versements Joconde ; néanmoins, toutes proviennent bien sûr de notre seul outil de gestion de collections. Nous avons donc dû nous adapter à des exigences et des objectifs différents : la structure des titres varie, les textes doivent être plus courts et plus simples pour le site municipal alors que nous avons un propos et des références plus scientifiques sur nos notices versées sur Joconde.
BDNC : Vous indiquez souvent que les collections exposées dans les salles correspondent à seulement 3 % de la totalité confiée à la garde du musée… Avez-vous une stratégie de valorisation pour ces objets ?
Evelyne Ugaglia : Oui, c’est nécessaire. Les universitaires connaissent bien nos collections, notamment les fonds protohistoriques. Néanmoins, des pans entiers de collections en réserve mériteraient d’être connus du public. Je pense particulièrement aux vases grecs et italiotes : 496 objets dont une grande partie a été restaurée. Ce fonds doit encore être photographié et les recherches de notre actuel médiateur (doctorant en céramique italiote) sur cette collection doivent être intégrées dans notre outil de gestion. Malheureusement, il ne faut pas se leurrer : à la fin du contrat de Souad, notre équipe aura du mal à assurer tout ce travail préparatoire à la mise en ligne. Nous avons pu mesurer tout le soin qu’il faut porter à la consolidation des informations : c’est un besoin pérenne pour assurer une diffusion de qualité au public et avoir un outil de travail efficace pour la documentation et la gestion des collections. Notre équipe en est totalement convaincue et nos élus sont maintenant conscients de l’intérêt de la mise en ligne des fonds patrimoniaux.
BDNC ; Nous sommes heureux qu’une telle dynamique ait pu être impulsée. Nous souhaitons avec vous que le poste de Souad puisse être pérennisé. En attendant, un passage de relais très concret à l’équipe doit être mis en place pour assurer la continuité du travail : charte de saisie même très succincte, procédures de corrections, déroulé des vérifications et interventions jugées indispensables avant une diffusion, etc. Les musées partenaires de Joconde peuvent adapter le contenu de leurs notices à la disponibilité des informations. Le musée Saint-Raymond a toute latitude pour poursuivre des versements de notices, éventuellement moins détaillées, qu’il pourra enrichir dans un second temps.
Claudine Jacquet : En effet, nous savons qu’atteindre l’exhaustivité des informations est utopique. Par exemple, en ce qui concerne la bibliographie, c’est un travail énorme de veille. Si nous sommes convaincus de son importance, ce n’est pas un point qui devrait nous empêcher de mettre en ligne nos collections.
BDNC : Quel point fort retenez-vous de ce partenariat avec Joconde et l’équipe du BDNC ?
Claudine Jacquet : La publication sur Joconde nous effrayait. Notre collaboration avec Sophie Daënens a totalement dédramatisé cette opération. Nous avons pu définir avec elle une ligne de conduite et une méthodologie. L’idée de se lancer en prenant les choses petit à petit nous a permis de les réaliser et d’être plus confiants pour la suite. Notre équipe éprouve une grande satisfaction du résultat. Nous avons désormais du recul sur nos pratiques d’informatisation des collections.
Souad Mekrabech : D’un point de vue personnel, je retiendrai la bienveillance, la patience et l’écoute de Sophie Daënens. Cela a été très précieux pour nous face à l’important travail à assumer.
Evelyne Ugaglia : Le musée avait du mal à franchir le pas de la diffusion numérique. La réponse immédiate du BDNC a été fondamentale, tout comme l’implication de Claudine et de Souad qui a pu participer à toutes les étapes de ce projet et améliorer sa formation professionnelle. Cette expérience a été profitable pour tous ceux qui y ont participé. Une réelle dynamique est désormais bien impulsée : nous savons désormais que c’est possible.